Youness Ahallal

Visage du Maroc
Feb 19, 2025

« Aujourd’hui, le Maroc a tout ce qu’il faut pour devenir un leader en innovation médicale. »

D’où venez-vous et où vivez-vous ?

Je suis né à Rabat, où j’ai grandi et effectué mes études secondaires. J’ai poursuivi mes études de médecine à Fès avant de partir aux États-Unis en 2009 pour me spécialiser en chirurgie mini-invasive et en oncologie urologique. En 2012, j’ai rejoint la France, d’abord à Paris, puis à Nice, où j’ai exercé jusqu’à fin 2024. En janvier 2025, j’ai choisi de m’installer à Casablanca pour travailler avec le groupe Oncorad et contribuer au développement de la chirurgie robotique au Maroc, avec une vision d’excellence en urologie.

Pourriez-vous nous expliquer en termes concrets en quoi consiste la chirurgie robotique et quels avantages elle présente par rapport aux méthodes traditionnelles ?

La chirurgie robotique est une technologie de pointe, la plus avancée en chirurgie actuellement. Elle permet au chirurgien d’opérer avec l’assistance d’un robot qui sert d’extension à ses mains, offrant une précision et une finesse de mouvement inégalées. Grâce à des instruments miniaturisés et une caméra haute définition en 3D, cette technique améliore considérablement la dextérité et la vision du chirurgien.  

Par rapport aux méthodes traditionnelles, la chirurgie robotique présente de nombreux avantages : elle permet des incisions plus petites, réduit la douleur post-opératoire, accélère la récupération des patients et diminue le risque de complications. De plus, elle intègre désormais des logiciels d’intelligence artificielle, qui optimisent les gestes chirurgicaux, analysent en temps réel des données opératoires et contribuent ainsi à une chirurgie encore plus précise et sécurisée.

Ayant cultivé l’esprit de compétition depuis votre plus jeune âge, comment estimez-vous que cette qualité a contribué à façonner votre parcours professionnel ?

L’esprit de compétition m’a toujours permis de viser l’excellence, même lorsque les conditions semblaient défavorables ou que les obstacles paraissaient infranchissables. Je ne me suis jamais satisfait du statu quo ; au contraire, j’ai toujours cherché à me dépasser et à repousser mes propres limites. Cette détermination m’a conduit à intégrer des formations d’élite, à relever des défis ambitieux et à innover dans mon domaine. J’ai toujours cru en mon étoile, et c’est cette même ambition qui me pousse aujourd’hui à œuvrer pour le développement de la chirurgie robotique au Maroc et plus globalement en Afrique, avec une vision tournée vers l’excellence et l’innovation.

En quoi l’exemple de vos parents vous a-t-il inspiré à embrasser la vocation médicale ?

Tout d'abord, je vous remercie pour cette question, qui me semble primordiale. L'impact de mes parents a été déterminant dans mon parcours, car ils ont tous deux eu des trajectoires inspirantes.  

Mon père, Dr Elhoucine Ahallal, a surmonté des épreuves immenses. Orphelin à l’âge de 5 ans, il s’est construit seul, intégrant l’école publique et faisant preuve d’une détermination exemplaire. Dès l’âge de 7-8 ans, il devait se débrouiller seul, travaillant dur à l’école tout en n’ayant même pas de toit. Pour l’anecdote, il a vécu dans un hammam public, dans un petit village près de Taza, pendant quelques mois faute de trouver de quoi louer un toit avec ses camarades; avant d’intégrer un internat au collège de Taza. Brillant dans ses études, il a décroché une bourse qui lui a permis d’accéder à la faculté de médecine de Rabat. Il est ainsi devenu médecin, puis neurochirurgien, et l’un des praticiens les plus influents de la ville de Meknès.  

Ma mère, Dr Sami Malika, a également eu un parcours exceptionnel. Elle a été la première femme chirurgienne pédiatre du Maroc, un véritable exploit à son époque. Sa détermination, son engagement et son dévouement ont toujours été une source d’inspiration pour moi. D’ailleurs cette trajectoire a été récompensée par Sa Majesté qui lui a fait délivrer un Wissam il y’a quelques années.

Depuis mon enfance, mes parents m’ont transmis des valeurs fondamentales : l’humanisme, le sens du travail bien fait et la rigueur. Ils ont exercé pendant de nombreuses années à l’hôpital public, et j’ai toujours été marqué par la reconnaissance de leurs patients. Voir leur impact sur la vie des autres m’a profondément influencé et m’a donné envie de suivre cette voie.  

En écoutant leur histoire, j’ai compris qu’il ne fallait jamais se soumettre aux limites imposées par la prédisposition sociale ou les contraintes d’un pays. Leur exemple m’a appris que l’excellence est toujours possible, à force de travail, de détermination et de passion.

Pouvez-vous nous raconter comment vous avez réussi à partir pour New York afin d’effectuer votre deuxième année de résidanat, et nous partager les temps forts de cette expérience ?

Obtenir une place dans un programme de fellowship aux États-Unis est un parcours exigeant, mais j’ai eu l’instinct et la chance d’envoyer ma demande au Dr Karim Touijer, un chirurgien marocain de renom, alors senior au Memorial Sloan Kettering Cancer Center, le meilleur centre d’onco-urologie au monde. Grâce à cette opportunité, j’ai pu intégrer un environnement médical d’exception où l’excellence était le maître-mot, tant en recherche qu’en traitement des cancers urologiques.  

Ce fut une expérience formidable. Chaque jour, j’avais l’impression de côtoyer les chercheurs et chirurgiens qui façonnent l’urologie mondiale. Leur rigueur, leur vision et leur capacité à repousser les limites de la médecine m’ont profondément inspiré. Cette immersion m’a permis d’ouvrir les yeux sur le fait que rien n’est impossible lorsqu’on a la volonté de réussir.

Après votre expérience aux États-Unis, pourquoi avoir opté pour la France pour poursuivre votre formation, et en quoi ce choix a-t-il été stratégique pour votre expertise ?

La France a été pour moi un choix clair et stratégique. Après mon expérience aux États-Unis, où j’ai été exposé à une médecine très technologique et tournée vers la recherche, j’ai souhaité approfondir mon expertise en chirurgie mini-invasive et robotique. J’ai eu l’opportunité d’intégrer l’Institut Mutualiste Montsouris, un centre pionnier et leader dans ce domaine.  

J’y ai passé une année extrêmement formatrice, où j’étais quotidiennement au bloc opératoire, à apprendre, me perfectionner et affiner mes techniques en chirurgie robotique. Cette immersion dans un environnement d’excellence m’a permis d’acquérir une maîtrise avancée des techniques les plus pointues, qui sont aujourd’hui au cœur de ma pratique.

En 2012, vous aviez envisagé de retourner au Maroc, mais quelques mois plus tard, vous avez changé d’avis. Que s'est-il passé ?  

En 2012, après avoir acquis une solide expérience en chirurgie robotique, j’ai sérieusement envisagé de rentrer au Maroc pour y développer cette technologie. Cependant, à l’époque, le terrain n’était pas favorable à de telles évolutions.  

On ne peut rien accomplir seul. Sans une volonté politique affirmée, sans l’engagement des investisseurs et sans l’adhésion des collègues et collaborateurs, un projet de cette envergure ne peut pas aboutir. Face à ces défis, j’ai pris la décision de poursuivre ma carrière en France, où j’ai pu continuer à me perfectionner et à affiner mon expertise en chirurgie mini-invasive et robotique, en attendant le bon moment pour concrétiser cette ambition au Maroc.

Et qu’est-ce qui vous a motivé à revenir depuis janvier 2025 ?

Aujourd’hui, toutes les étoiles sont alignées pour remettre le Maroc à la place qui est la sienne en matière d’innovation et d’excellence médicale. En début d’année dernière, j’ai été contacté par le Pr Radouane Samlali, PDG du groupe Oncorad, qui m’a sollicité pour l’aider à concrétiser un projet ambitieux : l’installation de la première plateforme robotique au Maroc et en Afrique du Nord.  

Toutes les conditions requises étaient réunies pour mener à bien ce projet, qui est aujourd’hui à sa vitesse de croisière. Il existe désormais une véritable volonté d’investir dans ces technologies, et je veux participer activement à leur développement au Maroc et en Afrique. Mon retour s’inscrit dans cette dynamique : transmettre, innover et contribuer à faire du Maroc un acteur majeur en chirurgie robotique et en téléchirurgie.

Comment vous est venue l’idée d’opérer un patient à Casablanca depuis Shanghai, et quelles étapes clés avez-vous dû franchir pour concrétiser cette première mondiale ?

Aujourd’hui, le Maroc a tout ce qu’il faut pour devenir un leader en innovation médicale. Et quoi de mieux qu’un projet aussi ambitieux que la téléchirurgie pour repositionner le pays à sa place de leader ?  

Nous avons donc collaboré avec plusieurs équipes pour relever un défi inédit : réaliser une téléchirurgie à une distance record. Cette vision s’est concrétisée lorsque nous avons opéré un patient à Casablanca depuis Shanghai, établissant ainsi un nouveau record mondial avec une distance de 12 000 km.  

Un tel exploit a nécessité une préparation méticuleuse. Il a fallu réunir des experts en chirurgie, en robotique et en télécommunications, mener des tests rigoureux et mettre en place une infrastructure ultra-performante garantissant une latence minimale et une sécurité optimale. Ce succès est un exploit phénoménal pour notre pays, qui détient désormais ce record mondial et s’impose comme un acteur majeur dans le domaine de la téléchirurgie.

Vous avez œuvré pour que le Maroc brille dans des domaines aussi pointus que la chirurgie robotique et la téléchirurgie. Quel aspect de ce rayonnement vous rend le plus fier aujourd’hui ?  

Ce qui me rend le plus fier, c’est que cet exploit a été réalisé par des équipes 100 % marocaines : un patient marocain, des ingénieurs marocains et un chirurgien robotiseur marocain. Cela prouve que nous ne sommes plus seulement des consommateurs de technologie, mais bien des acteurs et des leaders de l’innovation.  

En réalisant une première mondiale au Maroc, nous avons démontré que notre pays possède les compétences, l’expertise et l’ambition nécessaires pour être à la pointe de la téléchirurgie. Aujourd’hui, les rôles se sont inversés : nous recevons des experts internationaux, des urologues et des chirurgiens du monde entier qui viennent observer notre travail et s’inspirer de notre expérience. Le Maroc n’est plus un suiveur, il est désormais un modèle en matière d’innovation médicale.

Quels projets envisagez-vous pour l’Afrique et quel impact souhaitez-vous y générer ?

L’objectif est d’étendre l’accès à la chirurgie robotique et à la téléchirurgie en Afrique, en apportant cette technologie de pointe aux patients vivant dans des zones reculées et sous-équipées. Aujourd’hui, de nombreuses régions souffrent d’un manque de spécialistes, et la téléchirurgie permet de combler ces lacunes en donnant la possibilité aux meilleurs chirurgiens d’intervenir à distance.  

Mais au-delà du soin, il s’agit aussi de transmission du savoir. Grâce à ces avancées, nous pouvons former les chirurgiens locaux à la chirurgie robotique et les accompagner pour qu’ils puissent, à terme, prendre la main et devenir autonomes dans leurs pratiques.  

Nous travaillons actuellement sur le développement de partenariats stratégiques, la mise en place d’infrastructures adaptées et la formation de nouvelles équipes sur le terrain. L’impact que nous visons est clair : démocratiser l’accès aux soins chirurgicaux de pointe, réduire les inégalités en matière de santé et améliorer durablement la prise en charge des patients à travers tout le continent.

En Bref

Youness Ahallal

Né: le 06 Juin 1981

À: Rabat

Vit à: Casablanca / Nice

Profession : Chirurgien urologue | Andrologue | Sexologue | Cancérologue | Expert en chirurgie robotique

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