« Les artistes femmes auront une place plus importante dans les métiers de l’Art contemporain au Maroc »
Je suis une artiste pluridisciplinaire basée actuellement au Maroc. Diplômée de l’Institut national des Beaux Arts de Tétouan en 2015, mon travail et ma recherche artistique sont axés sur deux principaux champs, à savoir les arts visuels et la performance artistique. En tant qu’artiste, je me penche sur différentes thématiques, dont certaines sont inspirées des gestes du quotidien. J’investis principalement l’espace public, ce qui prend forme principalement par des performances minimalistes qui questionnent notre rapport à l’ordinaire et notre capacité à dévier vers l’expérimentation.
Mon parcours artistique a démarré lorsque j’ai intégré l’Institut National des Beaux Arts de Tétouan. Fraichement diplômée, j’ai effectué un stage au sein du Musée Mohammed VI d’Art Moderne et Contemporain de Rabat. J’ai enseigné les arts plastiques dans plusieurs écoles primaires et supérieures.
Choisir d’être artiste a été la décision de l’enfant avant l’adulte, car l’art est une passion et il fait partie des moyens d’expression les plus forts. Il permet d’être unique dans sa manière d’exprimer ses pensées. La liberté dans l’art n’a pas de limites, ce qui me ressemble énormément, il répond à mes besoins, chose qui a fortifié ma personnalité et m’a appris à combattre et surmonter les contraintes sociales et professionnelles.
La trajectoire des autres m’a toujours intéressée. J’aime tirer des leçons de leurs histoires, de leurs erreurs et leurs réussites. Je ne peux pas qualifier ces artistes et ces penseurs de modèles, mais plutôt des références car ils sont nombreux et différents les uns des autres. Ils ont éveillé ma réflexion artistique et surtout fait mûrir mon analyse, ainsi que mes approches conceptuelles et techniques. Je citerais les deux philosophes Sigmund Freud et Gaston Bachelard et les trois artistes Samuel Beckett, Marina Abramoviç et Rebecca Horn. Ces derniers sont connus pour leurs performances artistiques et leurs addictions à la présence du corps dans la matière de l’art et de l’expression.
Les artistes femmes ne se manifestaient pas assez sur la scène de l’art contemporain au Maroc. Toujours est-il, des artistes intéressantes ont réussi leurs carrières à l’image d’Amina Benbouchta et Zoulikha Bouabdellah. La nouvelle génération d’artistes contemporains a conscience de ce problème. Les galeries, les musées et les médias accordent d’ailleurs un fort intérêt à la promotion de la femme artiste. Tenez par exemple… , l’exposition intitulée «Femmes, artistes marocaines de la modernité, 1960-2016», organisée au Musée Mohammed VI d'Art Moderne et Contemporain de Rabat, entre novembre 2016 et mars 2017, a réuni les oeuvres de 26 artistes marocaines sans pour autant que cela ait l’air d’un évènement activiste. Personnellement, je pense que les artistes femmes auront une place plus importante dans les métiers de l’Art contemporain au Maroc.
J’ai difficilement réalisé qu’être artiste, c’est aussi être entrepreneur. Selon moi, en début de carrière, l’artiste a foi en son art ce qui ne le motive pas à vendre son œuvre. Avec le temps, nous comprenons que l’œuvre d’art subit une transition avant et après son arrivée sur le lieu d’exposition et donc devant un public. Il y a tout un processus à la fois économique et physique, de la conception de l’idée de l’artiste à la production de l’œuvre ainsi que toute la mise en place au sein de l’exposition pour donner une place à l’œuvre, la rendant unique. La boucle est bouclée une fois que l’oeuvre est vendue. Le travail de l’artiste est plutôt multitâches. C’est assez compliqué pour moi et j’espère que le public pourra dissocier l’artiste de l’entrepreneur que je suis.
J’ai eu la chance de rencontrer Jochen Heufelder, directeur de la biennale de Cologne et le curateur de la FUHRWERKSWAAGE kunstraum, en 2016, à la clôture de la biennale de Marrakech. Les deux biennales avaient collaboré au cours d’une résidence artistique à laquelle j’avais participé. Cette expérience stimulante m’a ouvert les yeux sur un monde différent, de nouvelles idées et perspectives. Depuis, j’effectue plusieurs voyages en Cologne et Berlin, ce qui m’a permis d’être présente, à la fois sur la scène artistique allemande et marocaine. L’une de mes expositions et performances majeures a eu lieu, en juillet 2017, à la galerie FUHRWERKSWAAGE intitulée « Silent Treatment ». Une autre s’en est suivie au mois de septembre à la Galerie Floss&Schultz sous le titre de «Vaccin».
Cette expérience s’est poursuivie avec l’artiste allemand Achim Mohné. Nous avons été curateurs d’un projet à l’Institut national des Beaux arts de Tétouan, ce qui a permis d’apporter une reconnaissance et de bons échos envers l’institution. C’était une première au Maroc et dans le monde arabe. Jai créé à mon tour un pont de partage artistique entre le Maroc et l’Allemagne.
Actuellement je travaille sur un projet qui rassemble plusieurs formes d’expressions, mais essentiellement la photographie et la peinture. Le projet tourne autour de la thématique de l’Autorité. Il questionne notre relation à l’Autorité par sa force et sa complexité dans la société marocaine et universelle.
Certaines de mes œuvres ont été exposées, au début de l’année, dans l’espace « Mi Casa es Su Casa », investi principalement par l’artiste Hassan Hajjaj, à Marrakech plus précisément au Comptoir des Mines. J’ai été nommée curatrice de la 7ème édition du programme Mastermind, l’exposition qui a eu lieu, début avril 2018, à la galerie Prestigia à Casablanca.
Madiha Sebbani
Née en Novembre 1991
À Salé
Vit à Cologne et Rabat
Profession : Artiste plasticienne