Rita Benmoussa

Visage du Maroc
Mar 28, 2023

« Ma décision de carrière la plus importante a été le choix de mon partenaire »

D'où venez-vous et où vivez-vous ?

Je suis née et j’ai grandi à Fès. Ma maman était professeure et mon père commerçant.

Ma mère a été très présente pendant mon enfance. Travaillant dans le milieu de l’enseignement, elle nous a transmis, à mon frère et à moi, la rigueur et l’assiduité dans le travail. En vraie mère poule, elle nous a beaucoup couvés et protégés.  

Mon père, un entrepreneur « self made man », a été une inspiration pour moi depuis le début de ma carrière. Il m’a donné l’envie d’entreprendre et de prendre des risques.

Aujourd’hui, je vis à Casablanca depuis mon retour au Maroc.

Quelles études avez-vous poursuivies et pourquoi ce choix d’études ?

Après l’obtention d’un bac marocain en Sciences Mathématiques, j’ai intégré l’INSA de Lyon pour poursuivre mes études. Bachelière, je souhaitais suivre un enseignement tourné vers l’innovation scientifique, proche du monde de l’entreprise et qui ouvre des perspectives de carrières variées. Ainsi, le choix d’une école d’ingénieurs s’est fait naturellement.

L’autre composante importante était l’ouverture à l’international, c’est la raison pour laquelle j’ai choisi d’intégrer la filière internationale « AMERINSA », où 50% des élèves étaient francophones et 50% latinos américains.

Quelles sont les expériences professionnelles qui ont fait qui vous êtes aujourd’hui ?

A la fin de la première année d’études à l’INSA en filière internationale, je devais effectuer un stage ouvrier en Amérique latine. De ce fait, ma première expérience professionnelle a été au Mexique.

J’ai intégré une entreprise de construction de bâtiments en tant qu’ouvrière. C’est ainsi qu’à 18 ans, je suis arrivée à Mexico city avec seulement une adresse de stage, une nuit d’hôtel et quelques mots d’espagnol. A l’arrivée sur le lieu de stage, j’ai réussi à louer un lit chez une famille locale, ce qui m’a permis d’accélérer mon apprentissage de la langue et surtout d’intégrer la culture locale.

L’expérience a été très enrichissante, elle a forgé mon mental, développé mon mindset « Impossible is nothing », et m’a donné goût à l’aventure et à l’ouverture sur la diversité de ce monde.

A la sortie d’école, pour mon stage de fin d’études, j’ai intégré un cabinet de conseil français où j’ai été la première salariée arabe dans mon département. Ma première mission était chez un client local, en pleine restructuration. Au-delà de la tension liée à la nature de la mission, j’entendais souvent des remarques / blagues racistes envers les étrangers de manière générale et les arabes en particulier. N’ayant pas dévoilé ma nationalité qu’à la fin de la mission, j’espère avoir participé, par le travail, à changer le regard de certains sur les étrangers.

Ayant toujours été couvée par mes parents, ces deux expériences ont particulièrement forgé la personne que je suis devenue aujourd’hui.

Qu’est ce qui vous a poussé à monter votre boite très jeune et comment avez vu réussi ce challenge ?

Le monde du conseil est caractérisé par un rythme d’évolution bien défini, avec un passage de grade annuel pour les plus performants.

Cependant, mon jeune âge a été un frein pour mon évolution. Au bout de 3 ans, il m’a été clairement indiqué qu’il n’était pas possible de devenir manager à l’âge de 25 ans, dans la mesure où ceci n’était pas acceptable par les clients à l’époque.

Ne pouvant pas accepter cette réponse et compte tenu de mon dévouement et de mon fort investissement dans le travail, j’ai décidé de me lancer à mon compte.

C’est ainsi que j’ai décidé de créer ma première entreprise en France et chercher des missions de conseil qui correspondaient mieux à mes aspirations indépendamment de mon jeune âge.

J’ai pu réaliser des missions dans 4 continents (Amérique du nord et du sud, Australie, Europe et Asie) sur des projets internationaux.

En quoi le choix de votre compagnon a-t-il pesé dans votre carrière ?

Ma décision de carrière la plus importante a été le choix de mon partenaire. Avoir un mari qui soutient mes choix, a été fondamental pour ma réussite professionnelle. Dans une société portée par la réussite masculine, il faut choisir la personne qui partage les mêmes ambitions et objectifs.

Vu la nature de mon travail et les déplacements fréquents aux 4 coins du monde, il a été très présent pour mon aîné et a souvent pris la relève lors de mes voyages. Sans mon mari et mes parents, je n’aurais pas eu  la carrière que j’ai eue jusqu’à aujourd’hui.

Pourquoi être revenue au Maroc et quels sont les difficultés auxquelles vous avez dû faire face à votre retour ?

Mon retour au Maroc a été motivé par une envie de laisser mon empreinte, aussi minime soit-elle, sur l’économie marocaine et œuvrer à mon échelle, pour l’égalité des chances et des sexes.

Les défis du retour au Maroc ont été plus d’ordre professionnel. Dans les faits, l’intégration dans l’écosystème marocain, la création d’entreprises et la compréhension des besoins du marché local ont nécessité une grande adaptation et une gymnastique qu’on sous-estime au moment de prendre la décision de rentrer au bercail.

Comment avez-vous commencé avec SAP ?

J’ai été contacté par SAP pour intégrer une jeune équipe « services » et superviser l’implémentation des projets dans la région Afrique Francophone.

J’ai rejoint une société qui partage mes valeurs et ma détermination de participer à l’amélioration de la vie des gens. Chez SAP, on crée des solutions novatrices qui améliorent le quotidien des gens. L’impact est plus visible dans le continent africain où l’implémentation de nos solutions permet souvent de simplifier et digitaliser les processus.

Comme exemple je citerai un projet mis en place au Maroc dont l’impact a été très tangible.

A mon retour au Maroc j’ai embauché une nounou à domicile qui était originaire d’une campagne du nord du Maroc. En hiver, la voyant triste, elle m’expliquait qu’elle n’a pas pu contacter ses parents depuis 2-3 jours vu qu’ils n’ont pas pu recharger leur compteur d’électricité et donc leur téléphone. A cette époque, les gens dans les campagnes devaient se déplacer à leur agence de souscription avec leur carte de pré-paiement d’électricité pour payer les recharges. Les agences étaient souvent loin et sans accès pour les zones reculées en cas de pluie ou neige.

Grâce à la technologie et à travers un projet implémenté par SAP, nous avons pu changer la solution existante et permis à des milliers de personnes dans le monde rural soit de recharger leur carte de pré-paiement de manière décentralisée (dans les marchés et commerces de proximité) ou par des codes à rentrer directement dans les compteurs.

Vous êtes très engagée dans le social, pouvez-vous nous en dire plus ?

Mon engagement social est dirigé vers les filles et femmes marocaines. Dès mon retour, j’ai rejoint l’association « Jadara » en tant que mentor. Cette association aide les jeunes enfants brillants issus de milieux défavorisés à poursuivre leurs études supérieures en leur apportant un soutien financier et un suivi régulier à travers des formations et des mentors.

Chez SAP, j’ai également lancé le « Casablanca Business Women Network » avec 2 collègues. Cette initiative a permis d’améliorer certains acquis sociaux pour les salariés en faveur de la diversité (congé parental, travail à distance pour les futurs parents…). Nous organisons également des workshops et formations en faveur de « l’empowerment » féminin. Cette initiative m’a valu « l’award Diversity & Inclusion EMEA South ».

Quel regard portez-vous sur la progression féminine dans le continent africain ?

L’Afrique est un continent riche par ses ressources. Malheureusement, le niveau d’alphabétisation, de scolarisation des jeunes filles et d’intégration dans le monde professionnel reste très bas par rapport aux autres continents.

L’Afrique évolue lentement vu la participation timide de 50% de sa population freinée principalement par une faible infrastructure.

Toutefois, la pandémie Covid-19 nous a démontré que la digitalisation peut faciliter l’accès à l’instruction et la formation et donc contribuer à l’accélération du développement. J’ai bien noté la progression importante des moyens d’enseignement et de formation pendant cette période.

Quel est votre souhait le plus cher ?

Un pays où l’égalité des chances et des genres soit une réalité et où la progression de la femme dans le monde du travail ne soit plus limitée par des considérations sociétales.

Augmenter le nombre de femmes dirigeantes ouvre de nouvelles perspectives et manières de gérer les problèmes. En effet, plusieurs études ont montré que les entreprises comptant plus de femmes dirigeantes sont plus performantes. Notre pays progressera d’autant avec l’éducation des jeunes filles dans le monde rural et la promotion du leadership féminin à tous les niveaux.

En Bref

Rita Benmoussa

Née le 12 Mai 1984

À Fès

Vit à Casablanca

Profession : Head of Delivery chez SAP

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