Niema Hajjami

Visage du Maroc
Feb 14, 2023

« Pour moi, la douleur du regret dépasse l’éventuelle déception d’un échec. Et quand on a la discipline et la persévérance, un échec devient une réorientation et le résultat suivant peut dépasser ce que nous souhaitions initialement »

D'où venez-vous et où vivez-vous ?

Je suis originaire de Moulay Driss Zerhoune, une petite ville aux alentours de Meknès. J’appartiens aussi à Casablanca, où j’ai passé douze années entre les études post-baccalauréat et ma carrière au Maroc. Aujourd’hui, je viens de m’installer à Doha au Qatar.

Quelles études avez-vous poursuivies et pourquoi ce choix d’études ?

Après un baccalauréat en sciences économiques au lycée Princesse Lalla Amina à Meknès, j’ai fait deux années de classes préparatoires en économie et commerce au centre Al Khansaa à Casablanca. Mon objectif était d’accéder à l’ISCAE Casablanca, et en 2014 j’ai obtenu mon Master Grande Ecole en Finance d’Entreprise.

Le choix de l’ISCAE était pour moi une poursuite de l’excellence ; et à travers la finance d’entreprise je recherchais une formation sur des sujets fondamentaux mais suffisamment transverses qui me permettraient d’explorer le métier du conseil en management.

Vous avez passé votre enfance dans un petit village, parlez-nous de vos souvenirs et de tous ces petits détails qui vous ont forgée ?

En effet, j’ai vécu mes années d’enfance à Bouassel, un village à côté de Moulay Driss Zerhoune. J’ai ainsi grandi dans la campagne, au milieu de la nature, profitant du calme et de l’air pur mais ayant aussi à affronter les difficultés liées à l’accessibilité au transport ou à l’eau potable de manière régulière. Dans ce village, j’ai noué mes premières amitiés avec les enfants des voisins et les camarades de l’école primaire, et à travers cela, j’ai aussi pu observer la pauvreté et les disparités d’accès à l’information et à l’orientation scolaire par exemple.

Les situations se sont améliorées depuis, et comme vous le dites bien, ces expériences m’ont forgée et m’ont appris la persévérance, le sacrifice et le courage nécessaires pour affronter les défis de la vie. Grâce à ces souvenirs, je reste enracinée et bien ancrée dans mes valeurs, n’importe où la vie me mène.

Racontez-nous comment vous avez vécu votre arrivée à Casablanca ?

C’était une expérience particulière. Je venais à Casablanca pour mes études aux classes préparatoires, et pour cela, mon ressenti était mitigé : d’un côté, je tenais à poursuivre le parcours qui me préparerait le mieux au concours d’accès à l’ISCAE (les centres des classes préparatoires en économie et commerce étaient peu nombreux à l’époque ; celui de Meknès n’existait pas encore), et d’un autre, j’appréhendais cette grande ville, réputée d’être envahissante voire noyau de la délinquance.

Je me considère chanceuse d’avoir eu des parents, des professeurs et un entourage proche qui avaient contrebalancé ces stéréotypes, et qui m’avaient soutenue dans la poursuite de mes études et mes objectifs professionnels. J’avais pris mon temps bien évidemment pour retrouver mes repères et organiser ma nouvelle vie, et j’avais été accompagnée par une communauté de personnes qui m’avaient aidée, conseillée, orientée, avec beaucoup de bienveillance.

La décision de venir à Casablanca était certainement la bonne et c’était clairement une étape pivot dans mon parcours et ma vie de manière générale.

Pouvez-vous nous présentez l’AIESEC et tout ce qu’elle vous a apporté et vous apporte encore aujourd’hui?

L’AIESEC (Association Internationale des Etudiants en Sciences Economiques et Commerciales) est une organisation qui promeut l’échange culturel, le développement des compétences professionnelles et du leadership des jeunes, ainsi que la contribution locale et internationale aux défis sociaux, économiques et environnementaux (www.aiesec.com).

J’y étais membre actif de 2011 à 2015 et j’ai pu mener et prendre part à plusieurs projets et conférences au Maroc et à l’étranger (Egypte, Suisse, Suède, Paraguay, Brésil). Mon expérience avec l’AIESEC était très enrichissante. Elle m’a permis de vivre, sur le terrain, toutes les étapes et les divers défis d’un projet, en l’occurrence social ou de développement communautaire. L’ADN international de cette organisation a élargi ma perception du monde et a forgé ma capacité d’adaptation et de travail avec des cultures différentes. L’AIESEC m’a offert des opportunités de découverte personnelle, d’apprentissage et surtout de contribution à la société.

J’essaie aujourd’hui de maintenir autant que possible cette contribution, notamment avec l’association des anciens de l’AIESEC au Maroc (les alumni), qui appuie l’action des jeunes AIESECers à plusieurs niveaux et s’intéresse aussi à des sujets d’employabilité et d’entrepreneuriat.

Vous êtes partie un an au Paraguay dans le cadre de l’AIESEC, comment avez-vous décroché cette mission et qu’est-ce qui vous y a le plus marquée ?

J’étais partie au Paraguay après l’obtention de mon diplôme de l’ISCAE. J’avais suivi le processus d’élection établi par tous les bureaux d’AIESEC dans les différents pays, et qui vise à sélectionner le candidat qui démontre la meilleure compréhension du contexte de l’association dans le pays d’accueil, et aussi qui proposerait la stratégie et le plan de travail les plus pertinents dans ce contexte-là. Cette sélection se fait sur la base d’un dossier de candidature, des tours d’entretiens et un vote de confiance.

Pour mon cas, j’étais élue pour mener le programme des projets de développement communautaire à plein temps pour la première fois au Paraguay. Je m’étais appuyée sur mon expérience similaire au niveau du bureau de Casablanca et sur celle de l’AIESEC au Maroc de manière générale. Toutefois, j’avais été marquée par l’impact des différences culturelles sur le fonctionnement de l’organisation et du programme. J’avais dû m’adapter aux réalités sociales par exemple lors de la planification des activités ou des réunions avec mon équipe locale. Sur une échelle plus large, j’avais constaté la similitude de nos deux sociétés concernant l’importance de la famille, j’avais été touchée par l’accueil qui nous a été consacré par des collègues lors de certaines fêtes ou évènements spéciaux et j’avais été particulièrement observatrice des grandes disparités sociales, clairement apparentes même au cœur de la capitale Asunción.

A quel moment avez-vous su que c’est dans les RH que vous voulez faire votre carrière ?

Mi 2018, j’ai participé à mon premier projet de conseil en ressources humaines. Il consistait en l’élaboration d’un dictionnaire des compétences pour un grand groupe marocain. L’utilité de ce type de projets dans l’accompagnement du développement des compétences des collaborateurs et la structuration des étapes de leurs carrières était en parfait alignement avec le sens que je veux donner à mon travail et ma carrière.

Ayant eu cette révélation, j’ai choisi de me consacrer au conseil en RH en rejoignant un cabinet spécialisé, et quelques années après, j’ai suivi une formation des formateurs professionnels, de laquelle j’ai obtenu ma certification en janvier 2022.

Pour l’anecdote, un jour je me suis rappelée que mon premier choix pour la spécialité de mon master était la gestion des ressources humaines. Ma réflexion de l’époque avait abouti à la finance d’entreprise comme choix soumis à l’administration de l’école, mais quelques années après je retrouve les ressources humaines en fin de compte.

Vous venez de vous faire débaucher par KPMG Qatar, qu’est-ce que vous ressentez en ce moment ?

J’en suis très ravie et particulièrement fière d’être un exemple du profil marocain, issu à 100% de l’école publique, ayant construit sa carrière au Maroc et avec des cabinets marocains, et dont les compétences ont été reconnues et recherchées par un cabinet international.

J’ai appris que nous ne sommes que quelques marocaines et marocains chez KPMG au Qatar et je suis honorée de faire partie de cette représentation.

Qu’est-ce qui vous a permis de croire en vos rêves ?

Quelques convictions personnelles, beaucoup de travail et d’apprentissage, ainsi que le soutien de ma famille et mes proches.

Je crois que tout peut être possible quand on ose essayer. Pour moi, la douleur du regret dépasse l’éventuelle déception d’un échec. Et quand on a la discipline et la persévérance, un échec devient une réorientation et le résultat suivant peut dépasser ce que nous souhaitions initialement.

Qu’est ce qui est le plus important pour vous ?

L’apprentissage, l’équilibre et la contribution.

Je démarre aujourd’hui une expérience de laquelle je souhaite apprendre sur les niveaux personnel et professionnel. Je tiens à préserver l’équilibre dans ma vie que ce soit entre le travail et la vie personnelle, mais aussi entre l’exploration et l’alignement à mes valeurs humaines et marocaines. Enfin, je me trouve aussi à un stade où il m’est essentiel de contribuer, de près ou de loin, à l’accompagnement de nos jeunes, à l’évolution de notre société et à la prospérité de notre Maroc – je cite à cette occasion les initiatives InspYre et Roujou3 qui œuvrent pour les mêmes aspirations et avec lesquelles j’ai participé à des activités dans ce sens.

En Bref

Niema Hajjami

Née le 28 Janvier 1992

À Moulay Driss Zerhoune

Vit à Doha - Qatar

Profession : Senior Consultant People & Change chez KPMG au Qatar

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