Hassan El Jai

Visage du Maroc
Apr 9, 2024

« L’art théâtral a toujours été ma manière préférée pour affirmer et célébrer mon existence au monde. »

Quelles sont vos origines et où vivez-vous ?

Mes familles paternelle et maternelle sont toutes deux originaires de Fès. Je suis né à Casablanca et j’y ai vécu jusqu’à mes dix-huit ans. J’y suis retourné une année en 2008, avant de revenir m’y installer pour de bon en 2012.

Quelles études avez-vous poursuivies et pourquoi ce choix d’études ?

J’ai obtenu un Bachelor de responsable communication en France, puis un Master en Media Management aux États-Unis, et enfin un brevet de comédien professionnel en France. Depuis tout petit je voulais devenir comédien et rien d’autre… C’est sur les sages conseils de mon défunt père (Qu’Allah lui accorde Sa Miséricorde) que j’ai étudié la communication – pour laquelle j’avais déjà beaucoup d’intuition et de grandes facilités ; afin de me perfectionner dans un domaine aussi proche que possible de l’art que j’aimais, tout en sécurisant des diplômes et une expérience pour mon avenir professionnel.

D’où vous vient votre passion pour le théâtre ?

Dieu seul le sait ! En tous cas d’aussi loin que je me souvienne, j’aimais profondément faire rire mes proches, jouer des personnages, faire des apparitions excentriques, imiter méticuleusement les voix et gestuelles des personnages de films/dessins animés, me déguiser, improviser des décors à partir de ce qui m’entourait… Il est certain que ma fascination pour la beauté visuelle des grandes œuvres à la télévision et au cinéma, a été déterminante dans le développement de ma sensibilité, de mon écoute et de ma capacité de répétition et d’imitation. Mais au fond, l’art théâtral a toujours été ma manière préférée pour affirmer et célébrer mon existence au monde.

Comment était votre vie avant votre rencontre avec les maitres soufis ?

Par définition je suis quelqu’un de positif, habité par l’espoir et une volonté de bien faire. Mais suite au décès de plusieurs personnes qui m’étaient chères, j’ai bataillé intérieurement pour ne pas être submergé par la tristesse, la douleur et la mélancolie. Et bien que j’aie cherché des réponses auprès de nombreux penseurs modernes ou occidentaux, je restais sur ma faim… Je n’ai pas trouvé de réponses complètes, cohérentes et satisfaisantes. Je restais perdu sur la plupart des questions essentielles de la vie : mon identité, ma foi, mes convictions profondes, le sens de l’existence et son but. Je savais en mon for intérieur que je cherchais la vérité, qu’elle m’appelait en quelque sorte – souvent à travers l’urgence et l’intensité de l’instant présent… À travers la beauté, la grâce, le sublime.

Vous souvenez-vous du moment exact où vous avez eu le déclic ?

Ça s’est fait progressivement, à travers de nombreuses lectures, beaucoup de prières et aussi quelques rencontres. Cela dit, ma découverte des textes de Rûmi, Ibn ‘Arabî et Al-Ghazâlî a sans aucun doute transformé ma vision et mon rapport à la vie pour toujours.

Comment votre entourage a-t-il accueilli cet “ éveil ” ?

Très difficilement. Comme la plupart des personnes confrontées à un sujet de fond qu’elles ne connaissent pas, ou en tous cas assez peu ou mal. Et de surcroît de la part d’un proche qui vient du même référentiel qu’elles, mais qui passe de façon inattendue à un autre référentiel. Les réflexes, les préjugés, les sentiments et les souvenirs communs ont tendance à passionner, à dramatiser le propos ; et au final à compliquer ce genre d’échanges – qui en réalité pourraient être très enrichissants pour tout le monde.

Comment vous est venue l'idée d’adapter des textes spirituels pour le théâtre ?

De mon amour pour les textes dramatiques classiques, qui sont mes préférés et que j’ai beaucoup joué – que ce soit en amateur, en école ou sur scène depuis une dizaine d’années. Le travail considérable de coupes, d’adaptation au niveau de la mise en scène et du jeu d’acteur que j’avais pratiqué sur ces textes classiques, m’a encouragé à faire de même pour les poèmes et contes soufis.

Parlez-nous de l’Islam du Maroc.

L’Islam du Maroc est connu de par le monde comme étant un Islam d’amour, de fidélité à la tradition juste et bien comprise du Prophète ﷺ, d’érudition, de miséricorde et de tolérance. Toutes les grandes cités du monde musulman ont admiré l’Islam du Maroc pendant des siècles, pour la singularité de sa richesse, de sa beauté et de sa profondeur. Comme tout le monde, nous avons eu nos périodes de fragilité, voire d’excès de rigueur ou d’égarement ; mais globalement l’Islam du Maroc a toujours pu, par la grâce de Dieu, se revivifier pour tirer profit de ce qu’il y avait de meilleur et de plus complémentaire au sein de sa population et même au-delà ; pour rassembler et unifier dans plusieurs cités – les talents, les génies et les excellences dans des domaines très divers et variés. Ce modèle a d’ailleurs réussi de façon exceptionnelle pour des villes comme Fès ou Marrakech, qui ont attiré les plus grands esprits, commerçants, artisans et voyageurs de la civilisation musulmane, ainsi que des autres religions abrahamiques.

Si vous deviez nous conseiller 3 livres, ce serait lesquels et pourquoi ?

Tout d’abord, je suis convaincu qu’il est essentiel de connaître la vie du Prophète ﷺ, car il est le bien-aimé d’Allah, l’homme universel. Il est à la fois la clé et la porte qui mènent au Tout-Puissant. C’est à travers lui que j’ai compris le véritable message de l’Islam et que j’ai aimé ma religion. Notre Prophète ﷺ est le baume guérisseur des cœurs…

Il existe de nombreuses biographies ou « sîra » disponibles, en arabe comme en français. Personnellement, je recommande de lire LE NECTAR CACHETÉ – reconnu mondialement comme une référence en la matière. Et en particulier la traduction française d’Idrîs de Vos, dont je salue l’excellent travail au passage.

Ensuite, il y a un ouvrage très cher à mon cœur, une épître d’Al-Ghazâlî qui est un classique de la littérature islamique traditionnelle : LA LETTRE AU DISCIPLE. Interrogé par un de ses disciples sur un certain nombre de points, Al-Ghazâlî répond à certaines questions en donnant des conseils, mais se tait pour d’autres qui relèvent de la science du dévoilement intuitif… Car certaines vérités doivent être vécues et ne peuvent être décrites. Il existe une très belle édition bilingue avec une traduction française de Hassan Boutaleb.

Enfin, je recommande de lire un ouvrage exceptionnel de Farîd-Dîne al-‘Attâr, reconnu comme le plus grand et le plus beau conte soufi de tous les temps : LE LANGAGE DES OISEAUX. On y suit le cheminement spirituel des oiseaux du monde en quête de leur Souverain – le Simorgh, à travers les sept vallées de l’amour. Une œuvre unique et sublime que j’essaie d’adapter pour la scène depuis des années ; qui regorge de vérité, de sagesse et de subtilité. Une œuvre qui, de lecture en lecture, ne cesse de dévoiler les perles enfouies dans ses profondeurs.

En Bref

Hassan El Jai

Né le 18 Décembre 1983

À Casablanca

Vit à Casablanca

Profession : comédien, metteur en scène, auteur, enseignant

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